Alors que le soleil brillait le 11 mai dernier, dans un local du troisième étage du pavillon Louis-Jacques-Casault à l’Université Laval se tenait une « Corvée Wikidata ». Cette initiative regroupait les membres du pôle Québec et cinq membres du pôle Montréal de Littérature québécoise mobile. Une promesse de pizzas sur l’heure du dîner, des litres de café sur une table non loin avec des fruits et des viennoiseries, des autocollants conçus spécialement pour l’occasion afin d’afficher notre contribution à cette journée: nous étions d’attaque pour accomplir une tâche minutieuse, intense, mais ô combien importante pour améliorer la découvrabilité et la présence des acteurs et des actrices numériques du milieu littéraire québécois, soit la création de fiches sur Wikidata.
Une corvée pour l'histoire
Le projet Littérature québécoise mobile a parmi ses projets l’établissement d’une histoire des pratiques littéraires numériques au Québec. La première étape consiste à établir le corpus associé à ce secteur culturel par diverses investigations, s’intéressant autant au passé qu’à la période actuelle, permettant d’identifier quelles œuvres lui sont rattachées. Une première phase de ce travail a été accomplie entre 2019 et 2022, rassemblant un corpus de plus de 250 œuvres. Toutefois, ces œuvres sont difficiles à retracer, leur existence n’étant pas attestée (par le dépôt légal, par un identifiant stable comme un ISBN ou par des répertoires gérés par l’industrie comme au cinéma). Nous avons voulu associer des identifiants à ces œuvres pour faciliter leur référencement et leur désignation. Après la mise à l’épreuve de quelques hypothèses, nous nous sommes tournés vers Wikidata, qui attribue un identifiant unique à chaque élément que cette banque de données répertorie.
L’écosystème Wikimedia (qui comprend notamment l’encyclopédie libre Wikipédia, la médiathèque Wikimedia Commons et la base de connaissances Wikidata) contribue directement au référencement des entités dans les moteurs de recherche par l’établissement d’une constellation de données liées. En recourant à Wikidata, nous poursuivions l’objectif d’offrir une meilleure visibilité aux œuvres littéraires numériques québécoises ainsi qu’à leurs créateurs et créatrices, autant en nous assurant de l’exactitude des informations présentes sur le web qu’en encourageant la simple circulation de ces mêmes informations.
Le fonctionnement de la base de connaissances Wikidata repose sur un haut degré d’organisation. Un peu à la manière des poupées russes, chaque élément (les objets de la connaissance humaine : des événements, des personnes, des phénomènes, des concepts, etc.) cache des déclarations (les propriétés qui décrivent ces éléments : une date, une nature, un métier, une fonction, une catégorie, etc.), elles-mêmes colligeant des concepts construits grâce à d’autres déclarations, qui mènent à d’autres déclarations, et ainsi de suite. C’est une toile d’éléments qui se déterminent les uns les autres.
Préparer les données avant de les importer
Pour mener à bien cette entreprise, il fallait, conceptuellement, agir de façon ordonnée : d’abord créer les entrées des personnes (écrivain.es, artistes, producteur.ices, etc.) et des organisations (maisons d’édition, collectifs artistiques, studios de production, etc.), pour ensuite créer les œuvres et les associer à ces agents. Il fallait cependant, du point de vue des données, préparer en amont l’ensemble des informations – à colliger, à ordonner, à mettre au protocole. À ce titre, tout au long de l’été 2021, des auxiliaires du pôle Québec ont intégré les informations provenant de la base de données Patrimoine littéraire numérique du Québec dans un Google Sheets préparé par Antoine Beaubien et Jean-Robert Bisaillon, consultants en découvrabilité. Le tableau regroupait et classait ainsi toutes les informations destinées à devenir des déclarations. Puis, en vue de cette journée de corvée, un procédurier a été rédigé par la coordonnatrice du pôle Québec, Marie-Ève Muller, avec le soutien de Pierre Choffet, spécialiste de Wikidata, et du chercheur René Audet. Avec ces deux documents en notre possession, le travail se limitait principalement à une intégration mécanique des données. Il suffisait d’entrer manuellement, une à une, ces informations dans la base de connaissances Wikidata pour créer les fiches.
Si nous avons évidemment rencontré quelques difficultés momentanées et quelques cas particulièrement casse-têtes qui ont nécessité un remue-méninges collectif, le défi a néanmoins été surmonté. En quelques heures, 262 personnes, 108 organisations et 276 œuvres ont été répertoriées dans Wikidata, pour un total de 646 fiches et quelques milliers de déclarations créées.
Le travail pourra se poursuivre par petites séances d’ajouts au fur et à mesure que le corpus prendra de l’ampleur. De cette façon, les œuvres littéraires numériques du Québec gagnent en visibilité et en reconnaissance, s’inscrivant dans le patrimoine commun que constitue la constellation de données Wikidata.
Pour obtenir un aperçu des œuvres répertoriées lors de cette journée, cliquez ici.