Expansions: traductions et internationalisation de la bande dessinée produite au Canada

Crédit visuel: Figura

Colloque à l’occasion du Festival BD de Montréal – 23-24 mai 2024

La création en bande dessinée au Canada, tout comme la lecture d’œuvres produites dans ce média, a augmenté depuis une trentaine d’années, entre autres avec la naissance de petites maisons d’édition publiant en de nouveaux formats, plus près de celui traditionnellement associé au roman (Denson et al. 2013). La bande dessinée au Canada s’est aussi fortement développée durant cette période (Postema et Lesk 2020, Falardeau 2020). Des maisons d’édition maintenant bien établies (notamment Drawn & Quarterly, La Pastèque, Conundrum Press, Pow Pow) proposent plusieurs titres chaque année, parmi lesquels figurent des jeunes bédéistes (Boum, Marie-Noëlle Hébert, Dakota McFadzean), mais aussi des artistes établis comme Michel Rabagliati, Zviane, Seth, Chester Brown ou Jillian et Mariko Tamaki. Pendant cette même période, on a vu la publication d’un grand nombre de bandes dessinées par des artistes autochtones au Canada (notamment Walter Scott, Natasha Donovan, Jason Eaglespeaker, eelonqa K. harris). Des autrices et des auteurs se sont emparé de tous les genres: autant ceux plus traditionnellement associés au neuvième art, comme l’humour ou le super-héroïsme que ceux jusqu’alors peu exploités en bande dessinée comme le récit de vie (Rifkind et Warley 2016) ou l’essai. À cela s’ajoute la création de mangas locaux, par exemple les séries Dramacon (Tokyopop) et Nightschool (Yen Press) de Svetlana Chmakova ou Les élus Eljun (Michel Quintin éditeur) de Jean-François Laliberté et Sacha Lefebvre, œuvres dont l’existence même démontre le soft power japonais en matière de culture.

La diffusion d’une œuvre à l’extérieur de la culture où elle a été produite peut impliquer différentes interventions: médiation, adaptation, traduction. La possibilité même de transferts culturels implique qu’il y a, en chaque culture, une tension entre perméabilité et protectionnisme (Espagne 1999). Le cas du Canada est rendu particulièrement complexe par les rapports de pouvoir entre les cultures qui sont présentes sur le territoire (anglocanadienne, franco-canadienne et autochtones). D’autre part, il faut rappeler la place plus modeste du Canada dans le monde international de l’édition. Outre le travail des maisons d’édition, tantôt dans la vente de droits, tantôt dans la distribution à l’étranger, et la rare initiative privée que constitue la Librairie du Québec à Paris, il y aussi le travail des diplomaties culturelles canadienne et québécoise qui ont pu contribuer à l’expansion de la bande dessinée (le Centre culturel canadien, les délégations générales du Québec, et la présence de centres d’études canadiennes dans plusieurs universités, surtout en Europe) (Von Flotow 2007). 

Ce colloque sera l’occasion d’étudier les traversées de frontières nationales et culturelles qui ont accompagné l’expansion de la bande dessinée au Canada (Kelp-Stebbins 2022). Le développement de la bande dessinée canadienne s’effectue dans des mouvements variés, que ce soit en visant à se faire connaître hors de ses frontières ou, à l’inverse, en jetant des passerelles entre les zones culturelles provinciales. Ces démarches peuvent se faire à hauteur d’œuvres (par des traductions linguistiques ou des prestations publiques comme des conférences ou des séances de dédicaces) ou dans des démarches concertées par des organismes ou des maisons d’édition en vue de se faire une place dans des marchés spécifiques. De plus, les influences d’approches et de styles issus d’autres zones géographiques peuvent également être considérées comme une forme d’expansion qui mérite notre attention. 

Voici quelques questions qui peuvent nourrir la discussion :

  • Quelles sont les stratégies de transferts culturels entre les cultures canadiennes (autochtones <–> francophone <–> anglophone) ?
  • Quels rôles respectifs jouent les artistes, les maisons d’édition, les compagnies de distribution et la critique dans les transferts culturels ?
  • Quels types de transferts culturels habitent l’imaginaire de tel auteur ou de telle autrice et comment contribuent-ils à l’internationalisation de l’œuvre (par exemple une sensibilité chez Delaf et Dubuc ou chez Guy Delisle à la culture franco-belge alors qu’ils créent respectivement Les Nombrils pour les premiers ou une série de récits de voyage autobiographiques pour le second) ?
  • Comment la publication en ligne vient-elle modifier les rapports entre les cultures? 
  • Comment les œuvres traduites à ce jour ont-elles pu intégrer des marques dialectales de la langue de départ, par exemple en mettant en lumière des niveaux de langue ou l’héritage du colonialisme ? 
  • Comment les diplomaties culturelles canadienne et québécoise travaillent-elles à diffuser des œuvres donnant une certaine représentation du Canada ? des langues officielles ? de la présence de cultures autochtones ? du caractère, selon le cas, multiculturel ou interculturel de la nation ?

Les articles présentés lors de la conférence seront proposés pour publication dans une revue à comité de lecture.

Les propositions seront acceptées en français ou en anglais. Celles-ci ne doivent pas dépasser 250 mots et doivent comporter un titre descriptif. Les propositions doivent être soumises par courriel au plus tard le 20 décembre 2023 à sylvain.rheault@uregina.ca. 

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