Organisée par Camille Bloomfield (Université Paris-Cité, CERILAC), Caroline Giraud (instapoétesse), Liza Hammar (UQAM), Marc Jahjah (Université de Nantes)
La poésie bénéficie actuellement, comme l’ont remarqué plusieurs critiques et journalistes, d’un spectaculaire retour en grâce auprès des jeunes générations. Ce regain d’intérêt semble s’expliquer en partie par une recrudescence des pratiques créatives sur le web, plus particulièrement sur les réseaux sociaux, qui offrent nombre d’outils facilitant notamment un aspect visuel soigné et des productions multimédia complexes (texte, image et son souvent en dialogue), tout en ayant l’avantage d’être moins intimidantes que le papier. La littérature numérique, longtemps réservée à des créateurs et des créatrices ayant un niveau élevé de maîtrise des technologies, est ainsi, depuis une quinzaine d’années, accessible à toute personne dotée d’un smartphone, ce que Leonardo Flores a identifié comme étant la marque de la troisième génération de la « littérature numérique ».
Mais il n’y a pas que cela : cette démocratisation des supports modernes de la création poétique s’accompagne d’une réflexion politique et contemporaine sur la visibilité de celles et ceux qui pratiquent la poésie, les réseaux sociaux offrant une tribune précieuse à des voix peu audibles jusqu’ici dans le champ littéraire, qui peuvent associer leur écriture aux luttes les plus saillantes de la jeunesse aujourd’hui (environnement, féminisme, antiracisme, etc.). En parallèle d’un champ poétique plus traditionnel se développe donc un champ alternatif où émerge une littérature engagée, et plus rarement expérimentale. L’étude des productions et des postures sur Instagram, réseau particulièrement prisé des artistes et encore, pour l’instant, utilisé par plusieurs générations, offre donc une perspective intéressante pour étudier ce renouveau d’une poésie non seulement « faite par tous », où les frontières entre pratique amateure et pratique professionnelle sont quelque peu brouillées, mais aussi foncièrement ancrée « dans la cité ».
Qui sont les « instapoètes » et les « instapoètesses » ? Quelle est leur particularité par rapport à celles & ceux qui écrivent sur les autres réseaux socio-numériques (Twitter, Youtube…) ? Les productions sur Instagram demeurent-elles vouées in fine à l’édition papier, reproduisant ainsi une hiérarchie existante des supports, et, le cas échéant, comment s’opère la transformation d’un médium à l’autre ? Quelles sont les nouvelles instances de légitimation pour cette poésie, ses figures de proue, voire les nouvelles normes qui se dessinent dans cet espace ? Le réseau social est-il plutôt un lieu de création ou de diffusion de la poésie ? Et enfin, l’étude de la poésie sur Instagram peut-elle être l’occasion pour nous d’envisager autrement la question de la littérarité ?
Dans une volonté de faire le point sur cet espace récent, trop souvent abordé à l’aune de sa seule « valeur poétique » (ou absence de), cette journée se veut placée sous l’angle de la recherche-création, en proposant des formes hybrides et en encourageant un décloisonnement des pratiques universitaires et créatives (communications-performances, lectures, ateliers, recherche-action…). Si c’est surtout l’instapoésie francophone qui sera évoquée dans ce premier temps, la journée peut également être ouverte à d’autres aires géographiques et culturelles, et sera quoi qu’il en soit suivie ultérieurement par une seconde journée, plus orientée vers les questions internationales et comparatistes autour de la poésie sur Instagram.
La thématique étant située au carrefour de plusieurs disciplines, la journée cherchera autant que possible à faire dialoguer des spécialistes de ces différentes disciplines et approches théoriques : littérature contemporaine (poésie contemporaine, littérature numérique, rapport texte-image), information & communication (travaux sur les écrits d’écran, les productions numériques, design & littérature), théories critiques (études féministes, théorie critique de la race, approches marxistes, queer, antipsychiatriques, etc.), sciences sociales (sociologie du champ et anthropologie des pratiques, sciences politiques) et histoire de l’art.
Dans le but d’être le plus en prise possible avec le terrain, nous aimerions associer aux discours universitaires des prises de parole par des intervenant·es venant du champ de la poésie, de l’édition aux revues en passant par les prix littéraires ou les agents : tous les acteurs et actrices d’une nouvelle chaîne de poésie qui se développe à la fois dans et hors du livre sont donc les bienvenus à envoyer des propositions.
Informations pratiques :
- Date de la journée : 3 mai 2024
- Lieu : Université Paris-Cité (site des Grands Moulins, 75013)
- Envoi des propositions (une demi-page maximum + bio-biblio) pour le 4 mars 2024
- Envoyer à : Camille Bloomfield (camille.bloomfield@u-paris.fr), Caroline Giraud (mediadevconsult@gmail.com), Liza Hammar (hammar.liza@uqam.ca) et Marc Jahjah (marc.jahjah@univ-nantes.fr)